Chapitre 16
— Richard…, souffla Kahlan, des larmes roulant sur ses joues, tu sais que jamais je… Tu ne penses pas que… ? Sur ma vie, je jure… Il faut me croire !
Alors qu’elle ne parvenait pas à contenir un gémissement d’angoisse, le Sourcier prit la jeune femme dans ses bras.
— Richard, dit-elle quand elle se fut un peu calmée, tu sais que je ne te trahirai jamais. Rien en ce monde ne me pousserait à agir contre toi. Et je refuserais, même si ça devait me valoir une éternité de tourments dans le royaume des morts, entre les mains du Gardien.
— Bien sûr, que je le sais… Souviens-toi qu’il ne faut jamais prendre une prophétie à la lettre. Si tu te laisses atteindre, Jagang aura gagné. Mais lui-même ignore ce que ça veut dire ! Il a gravé ces mots sur le mur parce qu’ils lui semblaient aller dans son sens.
— Mais… je…
— Calme-toi !
L’étreinte de Richard ne parvint pas à apaiser Kahlan. La terreur de la nuit précédente et l’horreur de la prophétie étaient plus qu’elle n’en pouvait supporter. Face au danger, quel qu’il fût, elle n’avait jamais versé une larme. Dans les bras de Richard – le seul endroit où rien de mal ne risquait de lui arriver – elle était incapable de se contrôler, emportée par un flot d’émotions au moins aussi puissant que le courant qui avait failli la tuer, dans les sous-sols du palais.
— Kahlan, ne crois pas à ces sornettes, je t’en prie !
— La prédiction… elle dit que…
— Écoute-moi un peu… Ne t’ai-je pas ordonné de rester loin de Marlin, parce que je m’occuperais de lui à mon retour ? N’ai-je pas souligné que c’était trop dangereux pour toi ?
— Oui, mais je m’inquiétais, et…
— Tu as agi contre ma volonté ! Tes raisons importent peu, parce qu’elles ne changent rien. (Kahlan hocha la tête.) C’est peut-être ça, la trahison dont parle la prophétie. De plus, ta blessure saignait beaucoup. Réfléchis ! Tu m’as trahi, et tu étais couverte de sang. Ça correspond, non ?
— Ce n’était pas une trahison, Richard. J’ai agi par amour pour toi, et pour te protéger.
— Les intentions non plus n’ont aucune importance ! C’est bien pour ça qu’il ne faut jamais se fier aux prophéties. Dans l’Ancien Monde, Warren et Nathan m’ont mis en garde contre une interprétation trop littérale de ces textes. Les mots ont un lien très indirect avec leur signification profonde.
— Pourtant, je doute que mon comportement soit une trahison…
— Ce n’était qu’un exemple. Une façon de te montrer qu’il n’y a rien à craindre, si on ne perd pas son bon sens. Les prophéties sont redoutables quand on se laisse influencer par elles. Oppose ta logique à cette prédiction-là !
— Zedd pense la même chose que toi. Il a refusé de me révéler les prophéties qui me concernent, de peur que je les croie. Selon lui, tu as raison de ne pas te laisser impressionner. Mais là, c’est différent. Il est dit que je te trahirai.
— Ce sera peut-être un truc tout simple et sans conséquence. Comme manger mon petit déjeuner, par exemple !
— La foudre n’est pas un « truc simple et sans conséquence ». C’est une image de la mort… ou de la façon précise dont tu périras. La prophétie annonce que je te trahirai, et que ça entraînera ta fin.
— Eh bien, je n’y crois pas ! Je t’aime, et je sais que tu ne feras jamais rien pour me nuire.
Kahlan eut une nouvelle crise de larmes, plus longue à apaiser que la précédente.
— Richard… c’est pour ça que Shota a envoyé Nadine. Elle veut que tu épouses une autre femme, parce qu’elle sait que je provoquerai ta perte. Elle essaie de te protéger d’une ennemie mortelle – moi !
— Elle nous a déjà fait ce coup-là une fois, tu t’en souviens ? Et elle s’était trompée du tout au tout ! Si nous l’avions écoutée, Darken Rahl aurait vaincu, et nous vivrions sous son joug. Cette prophétie est de la même eau… (Richard écarta Kahlan de sa poitrine et la tint par les hanches pour la regarder dans les yeux.) M’aimes-tu vraiment ?
Bien que son bras et son épaule gauches la mettent à la torture, l’Inquisitrice ne tenta pas de se dégager.
— Plus que ma propre vie !
— Alors, fais-moi confiance. Cette prophétie ne nous détruira pas. Je te le jure ! Au bout du chemin, tout sera pour le mieux, tu verras. Quand on pense trop au problème, on oublie de se concentrer sur la solution.
Kahlan s’essuya les yeux et sourit. Le Sourcier était si confiant et sûr de lui ! Comment avait-elle pu douter de leur avenir ?
— Tu as raison. Et je m’excuse d’avoir craqué…
— Tu veux toujours m’épouser ?
— Bien sûr ! Mais comment faire ? Le voyage sera très long, et nos responsabilités, ici…
— La sliph ! coupa Richard.
— Pardon ?
— La sliph, dans la Forteresse du Sorcier ! Sa magie nous conduira dans l’Ancien Monde, puis nous ramènera ici. Deux jours pour faire l’aller-retour, Kahlan ! Il me suffira de la réveiller, et nous serons en route !
— Elle nous conduira à Tanimura, et Jagang doit encore y être…
— Possible, mais nous serons moins loin du territoire des Hommes d’Adobe qu’en partant d’Aydindril. De plus, la sliph doit pouvoir nous amener ailleurs. Quand je l’ai réveillée, elle m’a demandé où je voulais aller. Si elle n’avait pas d’autres destinations en réserve, cette question n’aurait eu aucun sens.
Son désespoir envolé, Kahlan tourna la tête vers la Forteresse.
— En quelques jours, nous serons mariés et de retour aux affaires… Nous pouvons nous permettre une courte absence, n’est-ce pas ?
— Evidemment !
— Comment fais-tu pour trouver des solutions à tous les problèmes ? demanda Kahlan, sincèrement émerveillée.
— Une affaire de motivation…, répondit Richard en désignant le lit.
Folle de joie, Kahlan sauta au cou du Sourcier. Elle allait lui proposer de prendre un peu d’avance sur leur programme – en matière de lit, justement – quand un importun frappa à la porte.
Une importune, plutôt – et qui n’attendit pas qu’on l’invite pour entrer.
— Vous allez bien, Mère Inquisitrice ? demanda Nancy, une des trois vieilles chouettes de mauvaise mémoire.
Histoire de préciser sa pensée, elle foudroya Richard du regard.
— Oui. Que se passe-t-il ?
— Dame Nadine veut savoir si elle peut changer votre cataplasme.
— Elle attend dehors ?
— Oui, Mère Inquisitrice. Mais si vous êtes… occupée…, je lui dirai de patienter jusqu’à ce que vous ayez… terminé.
— Qu’elle vienne ! lança le Sourcier.
— Mère Inquisitrice, fit Nancy, pour accéder à la blessure, il faudra ouvrir le haut de votre robe…
— Je vais filer…. souffla Richard à l’oreille de Kahlan. Il faut que je parle à Berdine. Un petit travail à lui confier…
— J’espère qu’il ne consiste pas à nettoyer une écurie.
— Non. Je veux qu’elle étudie le journal de Kolo.
— Pourquoi ?
Richard posa un chaste baiser sur le front de sa bien-aimée.
— La connaissance est une arme, et je tiens à être armé jusqu’aux dents. (Il se tourna vers Nancy.) Vous avez besoin d’aide, pour la déshabiller ?
La servante réussit l’exploit de s’empourprer de honte tout en lui jetant un regard assassin.
— Je suppose que la réponse est « non »… (Richard gagna la porte et se retourna.) Quand Nadine aura fini, nous irons voir Drefan. J’ai aussi une mission pour lui. Et je voudrais que tu sois avec moi…
Dès que le jeune homme eut fermé la porte, Nancy vint se placer derrière sa maîtresse et entreprit de déboutonner sa robe.
— La tenue que vous portiez hier est tout juste bonne à devenir une serpillière, dit-elle d’un ton plein de reproches.
— Je m’en doutais un peu…
Kahlan avait une armoire pleine d’ensembles blancs – l’apanage de la Mère Inquisitrice, puisque toutes ses collègues portaient du noir.
De fil en aiguille, la jeune femme pensa à la robe de mariée bleue qu’elle mettrait bientôt.
— Nancy, tu te souviens de l’époque où ton mari te courtisait ?
— Oui, Mère Inquisitrice.
— Et tu aimais qu’on entre sans ton accord, quand tu étais seule quelque part avec lui ?
Nancy entreprit de faire glisser le tissu sur les épaules de Kahlan.
— Mère Inquisitrice, avant le mariage, je ne suis jamais restée seule avec lui ! Mes parents me l’interdisaient, et ils avaient raison, parce que j’étais jeune et ignorante.
— Moi, je suis adulte, et je dirige ce palais. Je veux que vous cessiez toutes de me déranger quand Richard est avec moi. C’est compris ? Ouille ! Ne tire pas si fort !
— Désolée de vous avoir fait mal, Mère Inquisitrice… Quant au reste, ce n’est pas convenable.
— Tu me permettras d’en juger.
— À votre guise…
— Exactement, fit Kahlan en tendant le bras droit pour que Nancy fasse glisser plus facilement la manche de sa robe.
— Vous avez été conçue dans cette chambre, dit la servante, sur un lit qui ressemblait beaucoup à celui-là. Des générations de Mères Inquisitrices furent fécondées ici, pour donner naissance à des filles souvent destinées à les remplacer. Le poids de la tradition pèse sur vos épaules. Avant d’accueillir un homme entre ses draps, une Mère Inquisitrice doit l’avoir épousé.
— Aucune des femmes dont tu parles ne s’est mariée par amour. Ma mère non plus… Ce ne sera pas mon cas, et mon enfant, si j’en ai un, sera le fruit de l’amour.
— Raison de plus pour qu’il soit conçu avec la bénédiction des esprits du bien, et dans les liens sacrés du mariage.
Kahlan ne jugea pas nécessaire de préciser que les esprits du bien, dans le lieu mystérieux entre les mondes, avaient déjà béni leur union.
— Les esprits du bien savent ce qu’il y a dans nos cœurs. Richard et moi sommes faits l’un pour l’autre, et il en sera ainsi à jamais.
— Et vous êtes pressés de passer à l’acte, marmonna Nancy en commençant à défaire le bandage. Comme ma fille et son fiancé…
Pressés ? Par bonheur, la servante ne savait pas à quel point !
— Ce n’est pas du tout ça ! J’ai simplement dit que je ne voulais pas qu’on me dérange quand Richard est avec moi. Le mariage est pour bientôt, et notre engagement sera irréversible…
» L’amour ne se réduit pas à vouloir sauter dans un lit. On peut avoir envie d’être dans les bras l’un de l’autre, pour se cajoler. Tu peux comprendre ça ? Si tes collègues et toi entrez toutes les cinq minutes dans ma chambre, tu crois que je peux embrasser tranquillement mon futur époux, ou lui permettre de me consoler quand je suis blessée ?
— Non, Mère Inquisitrice…, concéda Nancy.
Juste avant qu’on frappe de nouveau à la porte… restée ouverte.
— Je peux entrer ? demanda Nadine.
— Bien sûr ! Pose donc ton sac sur une chaise. Nancy, tu peux nous laisser. Et merci pour tout.
Sans cacher sa désapprobation, la servante sortit et ferma la porte derrière elle. Nadine fit signe à Kahlan de s’asseoir sur le lit et finit de défaire le bandage.
— Dis-moi, fit Kahlan, pensive, tu portes bien la même robe qu’hier ?
— Oui.
— Elle semble plus… moulante.
Nadine baissa les yeux et s’examina.
— Vos dames de compagnie l’ont lavée, mais je doute qu’elle ait rétréci… Attendez, je sais ce qui s’est passé ! Les coutures se sont déchirées, hier, quand nous avons fait un peu de natation. J’ai dû les reprendre, et couper le tissu trop abîmé.
» Heureusement que je n’ai pas trop d’appétit, depuis mon départ de Hartland. Le souci fait maigrir, vous savez ce que c’est. Sinon, je n’aurais plus pu mettre cette robe. Mais elle ne me serre pas trop, pas vrai ?
— Pour te remercier de ton aide, je m’assurerai qu’on t’en procure une autre, plus confortable.
— Inutile. Celle-là ira très bien.
— Je vois…
— La plaie n’est pas plus infectée qu’hier, c’est encourageant… (Très délicatement, Nadine acheva de retirer le cataplasme.) J’ai croisé Richard, en entrant. Il avait l’air perturbé. Vous ne vous êtes pas disputés, j’espère ?
— Non, grogna Kahlan, de moins en moins bien disposée envers l’amie d’enfance de Richard. Il était troublé par autre chose.
Nadine sortit une demi-corne de son sac, l’ouvrit et badigeonna l’épaule de Kahlan d’un produit à la forte odeur de poix. Quand elle eut terminé, elle entreprit de refaire le bandage.
— Inutile d’être gênée, dit-elle d’un ton léger. Les amoureux se chamaillent parfois. Et ils ne se séparent pas pour autant ! Richard finira par revenir à la raison.
— En fait, je lui ai parlé de ce qui s’est passé entre vous, en assurant que je le comprenais. C’est ça qui l’a bouleversé.
— Pourquoi donc ?
— Tu te souviens de l’histoire que tu m’as racontée au sujet de Michael ? Quand il t’a surprise en train de l’embrasser ?
— Oh, ça…, lâcha Nadine en achevant de nouer le bandage.
— Oui, ça…
Sans lever les yeux, Nadine aida Kahlan à renfiler sa robe, puis elle rangea vivement la demi-corne dans son sac.
— Et voilà ! Je referai le cataplasme ce soir.
Sur ces mots, la jeune femme récupéra son sac, fila vers la porte… et se pétrifia quand l’Inquisitrice la rappela.
— Tu m’as menti, dirait-on. Richard m’a tout raconté.
Nadine s’empourpra jusqu’aux oreilles.
— Si tu me donnais ta version des faits ? Va donc t’asseoir sur ce fauteuil, en face de moi.
Nadine hésita puis obéit à contrecœur.
— Eh bien, je voulais le stimuler un peu, dit-elle, les yeux baissés sur ses genoux.
— Tu appelles ça une « stimulation » ?
— Hum… Je savais que les garçons perdent souvent la tête quand ils… enfin, à cause du désir. J’estimais que c’était ma meilleure chance de le pousser à… se mettre dans l’obligation de m’épouser.
Kahlan ne comprit rien à cette déclaration, mais elle prit garde à ne pas le montrer.
— Ce n’était pas un peu tard pour ça ?
— Pas nécessairement… En principe, quand j’ai laissé Richard me surprendre nue sur Michael, et toute contente de ce que je faisais, j’aurais dû épouser à coup sûr un des deux. Car Michael en pinçait pour moi, je le savais.
— Et comment espérais-tu que…
— J’avais tout prévu. En me voyant chevaucher son demi-frère, folle de plaisir, il aurait dû me désirer à en mourir. Cette vision, plus mon ardeur à la tâche… Vous voyez ce que je veux dire ? J’espérais qu’il perde la tête et veuille me posséder aussi.
— Et en admettant, pourquoi t’aurait-il épousée après ?
— Parce qu’il aurait aimé ça, pardi ! Et croyez-moi, j’aurais fait ce qu’il fallait pour qu’il en redemande ! Ensuite, je lui aurais refusé de recommencer, et après avoir goûté à mes charmes, j’étais sûre qu’il serait disposé à tout pour m’avoir. Si Michael avait réagi comme lui, le choix me serait revenu, et j’aurais pris Richard.
» En cas de grossesse, s’il était resté sur sa réserve, je lui aurais dit que l’enfant était de lui. Tel que je le connais, il m’aurait épousée. Sans bébé ni demande de Richard, il me restait Michael. Un second choix est toujours mieux que rien…
Ignorant la fin de l’histoire, puisque le Sourcier ne lui avait rien raconté, Kahlan redouta que Nadine en reste là. En même temps, elle tremblait d’angoisse à l’idée de découvrir la suite. Et si ce plan bizarre avait marché, au moins jusqu’à un certain point ? Dans la version du simple baiser, Richard avait tourné les talons. Mais rien n’était vrai là-dedans…
L’Inquisitrice croisa les bras et attendit.
Nadine hésita puis se jeta à l’eau :
— En tout cas, c’était mon plan, et il semblait excellent. Au mieux je récupérais Richard, et au pire, Michael…
» Hélas, ça n’a pas marché… Quand il est entré, Richard s’est pétrifié. Je me suis retournée pour lui sourire et l’inviter à participer aux réjouissances. Ou à venir me voir plus tard, s’il préférait un tête-à-tête.
Kahlan retint son souffle.
— C’est la première fois qu’il a eu ce regard, vous savez… Sans dire un mot, il est sorti de la pièce.
Nadine eut un soupir accablé.
— Je croyais pouvoir me consoler avec Michael, mais il m’a ri au nez quand je lui ai dit qu’il devait m’épouser. Oui, ri au nez ! Après, il n’a plus jamais voulu de moi. Ce porc avait eu ce qu’il désirait, et je ne l’intéressais plus. En revanche, les autres filles…
— Mais si tu visais… Par les esprits du bien, pourquoi n’as-tu pas séduit Richard, tout simplement ?
— Parce que j’avais peur qu’il s’y attende, et qu’il ait érigé ses défenses. Vous savez, il n’a pas dansé qu’avec moi, cet été-là. Je redoutais qu’il ne veuille pas s’engager. Au fond, il aurait pu vouloir s’amuser un peu, puis me laisser tomber après. Chez nous, on raconte que Bess Pratter a essayé la tactique dont vous parlez – et lamentablement échoué. Il me fallait une stimulation assez forte.
» La jalousie aurait dû lui faire perdre la tête. Avec la lubricité, c’est la principale motivation des hommes, à ce qu’on dit…
Nadine leva les mains et repoussa derrière sa tête son abondante chevelure.
— Je n’en reviens pas qu’il vous ait tout raconté. J’aurais juré qu’il garderait ça pour lui.
— Et il l’a fait…, murmura Kahlan. Quand j’ai mentionné ton histoire de « baiser », il s’est fermé comme une huître. Mais j’ai prêché le faux pour savoir le vrai, et tu es tombée dans le panneau.
Accablée par sa propre bêtise, Nadine se prit la tête à deux mains.
— Tu as grandi avec Richard, continua Kahlan, mais tu ne sais rien de lui ! Rien du tout !
— Ça aurait pu marcher ! C’est vous qui ne le connaissez pas si bien que ça ! Richard est un petit gars de Hartland qui n’a jamais rien eu. Le luxe lui a tourné la tête, sans parler de tous ces gens qui lui obéissent. Mon plan était bon parce qu’il désire ce qu’il voit, tout simplement. Et je voulais lui montrer ce que j’avais à lui offrir !
Sentant poindre une migraine, Kahlan ferma les yeux et se massa le front.
— Nadine, avec les esprits du bien pour témoins, j’affirme que tu es la femme la plus stupide que j’ai rencontrée !
— Stupide ? (L’herboriste se leva d’un bond.) Vous aimez Richard et vous le voulez pour époux. (Elle se frappa la poitrine d’un index rageur.) Vous savez ce qu’on ressent, quand on aime cet homme ? Mes sentiments n’étaient pas moins forts que les vôtres ! Et si vous êtes un jour à ma place, vous agirez comme moi ! Aussi bien que vous pensiez le connaître, vous le feriez, si c’était votre seule chance ! Osez me dire le contraire !
— Nadine, tu ne connais rien à l’amour… Il ne s’agit pas de capturer une proie, mais de rendre heureuse la personne qu’on porte dans son cœur.
— S’il le faut, vous ferez comme moi ! siffla Nadine.
La prophétie retentit dans l’esprit de Kahlan.
Mais sur ce chemin, la foudre le frappera, car sa bien-aimée le trahira…
— Tu te trompes ! Je ne lui ferai du mal pour rien au monde, m’entends-tu ? Pour ne pas le blesser, je suis prête à mener une vie misérable et solitaire. Et plutôt que de le voir souffrir, je préférerais te le laisser !